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Gay Spirit
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5 décembre 2010

Interview : paroles de sorciers gays

Ce billet débute une suite d’interviews de sorciers et d’une sorcière qui ont tous un point commun : ils sont homosexuels.

La sorcellerie est de plus en plus fréquemment pratiquée, quoique toujours assez discrète dans nos contrées. Il est assez difficile d’ailleurs de lui donner une définition. On pourrait affirmer par exemple que les sorciers voient d’abord la présence du divin en chaque élément de la nature (plantes, animaux, astres, êtres humains mais aussi êtres de l’invisible, comme l’esprit des ancêtres, les diverses divinités, les guides spirituels, etc…). Ces éléments interagissent ensemble sous la forme d’un réseau. Tous sont interconnectés, de sorte qu’il soit toujours possible de faire appel, par exemple, à tel type de plante ou à un cristal adapté, pour soutenir une action. Les sorciers croient en la possibilité d’agir sur les événements et de changer certaines choses par le biais de la magie. Il peut s’agir de guérir, d’accompagner, de protéger des personnes ou des lieux, etc… Chacun a sa propre personnalité et entre mieux en résonance avec certains autres éléments du réseau. Par exemple, quelqu’un qui est plus attiré par les plantes utilisera des herbes et des fleurs pour la confection de ses sortilèges. Un sortilège est en général envoyé dans les fils du réseau afin d’agir selon l’intention formulée par le sorcier. Un principe assez communément accepté est toutefois de ne jamais faire de mal à autrui et de toujours œuvrer vers une amélioration.

Cela dit, le monde de la sorcellerie moderne s’articule fréquemment autour d’un présupposé de base qui est que le divin s’organise autour de deux pôles : le masculin et le féminin. Les deux sont perçus comme nécessaires à la bonne marche du monde. La sorcellerie impliquerait donc la formule : homme + femme = quelque chose de plus. Pourtant, de nombreux sorciers, et parmi les plus célèbres, sont gays. Scott Cuningham en est un exemple parmi d’autres. De même, nombreuses sont les sorcières lesbiennes. Comment se positionnent-ils en tant qu’homosexuels dans leur pratique spirituelle ? Voilà ce que cette série de questions tente d’éclairer à travers divers témoignages recueillis par mes soins par le biais d’un forum américain : «  the gay witch network – home of gay witchcraft » : www.gaywitch.org

Je ne me suis donc pas ici adressé à des auteurs célèbres mais plutôt à des sorciers anonymes. Ils ont pris du temps pour me répondre et je les en remercie tous chaleureusement. Si je devais relever des points communs dans leurs réponses, ce seraient : une grande liberté de pensée, une certaine critique du monde et d’eux-mêmes, ainsi qu’une constante recherche.

Dans ce chaudron, et dans les suivants, vous aurez la possibilité de lire les réponses de ces frères et sœurs aux questions suivantes :

1° Vous êtes un(e) sorcier gay(e). Comment le fait d’être gay affecte-t-il votre pratique ?

2° Croyez-vous qu’il y ait des pratiques spirituelles (sous-entendu : liées à la magie) pour lesquelles les gays sont meilleurs ?

3° Y a-t-il des divinités qui vous attirent plus, en tant que gay ?

4° Avez-vous déjà rencontré de l’homophobie de la part d’autres sorciers ?

5° Quel conseil donneriez-vous à un sorcier novice ?

Une manière donc de faire un peu le tour de la réalité homosexuelle chez les sorciers et néo-païens.

Voici donc la première question :

1 ° Vous êtes un(e) sorcier(e) gay. Comment le fait d'être gay(e) affecte-t-il votre pratique?

Réponse de Clothru (Irlande)

Mon propre parcours individuel m’a toujours fourni les informations nécessaires à ma pratique, même si j'ai travaillé avec d’autres dans le cadre de rituels et de cérémonies. Personnellement, ma sexualité, c'est être une femme et d'aimer les femmes sous toutes leurs formes merveilleuses. Je travaille à partir de la tradition irlandaise et, plus généralement, avec le féminin mythique. J'utilise le terme «sorcière» pour me définir moi-même dans un sens sociologique. En tant que tel, il y a une confluence au niveau du terme, dans le sens « être en marge de la société grand-public », avec un pied à l'intérieur et l'autre pied en dehors du monde de tous les jours. Pour moi, être une sorcière c’est regarder au delà des bords du cercle, à travers les choses et dans les choses, et ne jamais s’inclure complètement dans la communauté pour laquelle nous travaillons.


En termes de mystères féminins, une lesbienne peut apporter une perspective nouvelle à la "traditionnelle" manière de voir « jeune fille-mère-vieille femme » (note: les sorcières voient la lune comme une expression des trois âges de la femme. La lune croissante désigne la jeune femme vierge et favorise tous les travaux magiques visant a créer quelque chose. La pleine lune désigne, elle,  la femme en tant que mère et favorise tous les travaux magiques en leur apportant une énergie maximale. La lune décroissante désigne par contre la femme âgée, et favorise tous les travaux magiques visant à faire disparaître quelque chose (comme une maladie, par exemple). En tant que lesbienne, ces phases de la vie et ces rôles de la femme ne se définissent plus en terme de procréation ou de relation d’une femme à une homme. Il peut être libérateur d'exprimer et de célébrer la sexualité de la femme et de l'énergie sexuelle sans que cette énergie soit nécessairement liée à la pro-création. Et, comme on me l’a dit dans un rêve que j’ai eu il y a longtemps : « nous, les femmes pouvons nous sentir limitées par l’idée que nous devons être fille, mère ou vieille femme. Il y a aussi "l'autre" face, derrière, celle que vous ne pouvez pas voir (Imaginez-vous dans l'une des images du dieu ou de la déesse à trois visages et imaginez ce visage que vous ne pouvez pas voir) » (Note: Ici, c’est un peu la lune noire qui est évoquée, ou même la face cachée de la lune. Je ne peux m’empêcher de songer que certains sorciers pensent que c’est justement lors de la lune noire que les anciens chamans gays pratiquaient l’essentiel de leur magie, alors que classiquement, ce jour-là, les sorciers s’abstiennent de pratiquer toute magie).

Réponse de Niklinna (Etats Unis d’Amérique)

Je ne suis pas sûr que je puisse réclamer le terme de «sorcier» pour ma part, et ma pratique est un vrai gâchis « déliquescent », mais j'en ai une, cela dit ....

Être gay influence beaucoup ma pratique de la même manière qu’elle influe sur toute ma vie. Cela m’apporte une perspective différente des choses que les straights (note : dans le sens hétéros) - bien que beaucoup de païens, à leur façon, soient non-straights (note : dans le sens « non-conformistes »). Un de mes points de vue les plus inhabituels est un désintérêt général envers ces histoires de polarités du rôle des sexes. Je ne me sens pas le besoin d'intégrer ou de faire face à la « masculinité » ou à la « féminité »,  en aucune façon, et je reconnais même à ces catégories un caractère limitant.  Certaines de mes manières peuvent être considéré par les autres comme masculines, et d’autres de mes manières peuvent être considérés par les autres comme féminines ou efféminées, mais pour moi, ce ne sont là que des facettes de ma personnalité.

Je n'ai jamais bien compris pourquoi tant de gens s’investissent tellement dans cette dichotomie, à un tel point qu'ils en ressentent le besoin de la défendre ou de travailler avec elle. Personne ne peut éviter complètement la socialisation des stéréotypes de genre, bien sûr, mais en gros je n'arrive pas à adhérer à l’idée que "les hommes font telles activités et ont telles caractéristiques, les femmes font autre chose et ont d’autres spécificités". Je reconnais le fait que la plupart des gens s’intègrent dans ces critères, du fait de la biologie et de la socialisation, bien sûr ! Mais les gens semblent vraiment s'accrocher à tout cela d'une manière très malsaine, à mon avis.

Une autre facette, que je viens à peine d’explorer, concerne la discrimination, et mon rôle en cela. Je suis attiré par les hommes, pas seulement sexuellement, mais en toutes sortes de manières, et les femmes ... je peux en « prendre » l'essentiel ou le laisser. Je remarque plus les hommes que les femmes, et je suis davantage susceptible d'engager une conversation avec un mec (tant que je ne me sens pas trop timide). Ainsi, alors que je ne puis objectiver les femmes (note : objectiver pourrait se comprendre aussi dans le sens, « faire objet », donc considérer la femme en tant qu’objet (ou plutôt sujet) d’affection), je ne puis leur donner une attention égale. Les deux aspects sont des problèmes communs dans les relations entre les hommes et les femmes. Maintenant, j'ai de bonnes amies, bien sûr, ce n'est donc pas comme si je les excluais, mais je ne fais pas autant d'efforts pour apprendre à connaître les femmes que je ne le fais pour les hommes. Si je pouvais vraiment gagner du temps sur ma pratique, je l'utiliserais pour explorer d'autres domaines de ma vie auxquels je n’accorde pas assez d’attention.

Réponse de Famillinar (Pays-Bas)

Eh bien je peux m’identifier avec la douceur et la force des divinités féminines, mais aussi avec le pouvoir et le feu des dieux masculins. Je ne me vois pas comme seulement homme. Si j’étais hétéro je pourrais me percevoir de cette façon, mais comme je suis gay je crois être en équilibre avec les énergies masculines et féminines. En tant que sorcier (et humain), je me sens plus à l'écoute de ce que je suis au fond de moi.

Réponse d’Abhainn (Irlande)

Je pense que cette question comprend deux niveaux.  «Comment le fait d'être gay affecte-t-il votre pratique?" Et l'autre, « quel effet a le fait d’être gay sur votre pratique? ". La différence entre les deux est que « affecter » implique une différence extérieure à la pratique magique, alors que « l'effet » implique la façon dont nous, en tant qu’individus, nous rapportons à la pratique. Ainsi, alors que je crois que nous tous, indépendamment de notre orientation sexuelle et de notre identité, subissons l’effet de nos pratiques, conjointement avec notre compréhension et notre relation au monde extérieur, il est aussi évident que nos pratiques sont influencées par nos expériences de la vie et du monde soit-disant ordinaire.
   
Je suis fermement de ceux qui estiment que peu importe si la pratique de quelqu’un reflète ou non son expression du monde. Je crois qu'en étant fidèle à nous-mêmes, nous nous équipons mieux afin de mieux nous impliquer dans l'exploration de la magie avec d'autres. En ce qui concerne la façon dont je subis personnellement l’effet de la magie,  je dois dire qu’en tant que gay, j'ai tendance à participer à des conversations assez intéressantes lors de soirées à l’extérieur ou même simplement dans le bus qui conduisent à des festivals et que les gens s’arrêtent pour demander pour « quoi » est le drapeau arc-en-ciel ! Je prends plaisir à leur raconter son histoire et à expliquer qu'il a en fait très peu à voir avec la sexualité et plus à voir avec la personnalité que nous avons tous.

Réponse de Faune (Belgique)

Je ne perçois pas les énergies masculines et féminines comme totalement distinctes et incarnées dans ce que nous nommons le Dieu et la Déesse. Je vois aussi ces deux énergies comme mélangées sous la forme d’un Esprit Androgyne, une sorte de She-Male Esprit à l’intérieur duquel 1 + 1 = 3. Je danse et je chante tout en pratiquant la magie, tel un vrai ours poilu (que je suis), capable aussi de devenir un papillon (que je ne suis pas). En tant que gay, je ne me sens pas «obligé» de faire la même chose que les hétéros. Je me sens libre d'imaginer mes propres charmes, de suivre d'autres chemins, de faire appel à la Grande Reine du Glamour et à l’Esprit de l’Amant Ours vêtu de cuir, si ça me chante.

Voilà donc pour les réponses à cette première question. Ces témoignages semblent montrer que la pratique de la magie, chez les gays, se désolidarise de la dichotomie « mâle-femelle » si répandue chez les sorciers. Cela peut s’exprimer de différentes manières. Par exemple, en considérant que le masculin et le féminin existent en chacun de nous et que cette polarité n’est pas si tranchée. Ou encore on peut affirmer que cette polarité a moins d’importance qu’il y paraît ou qu’elle n’explique pas tout. Il est étonnant que la question portait sur « comment le fait d’être gay influence-t-il », et que chacun a plus ou moins rebondi sur une réflexion sur les genres.    

Le prochain billet, la semaine prochaine, portera sur :

Pensez-vous qu'il existe des pratiques spirituelles (magiques) pour lesquelles les homosexuels sont meilleurs ? 

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